Les Fondamentaux

                Captiver son ou ses auditeurs(s) pour faire aimer Jésus-Christ, l’Eglise, son enseignement, quel baptisé n’en a rêvé ? À première vue, pour transmettre ce qui est ancré profondément en soi, il suffit de savoir parler. C’est vrai pour ceux qui ont reçu le don de « bien communiquer ». Ils sont malheureusement peu nombreux. Les autres doivent acquérir une TECHNIQUE, par la théorie et la pratique, la première ne se concrétisant qu’avec la seconde et celle-ci n’étant efficace que si elle est guidée par une théorie éprouvée. Faut-il en plus réfléchir aux fondements sur lesquels repose la théorie ? Beaucoup, après avoir lu les chapitres qui suivent, m’ont dit que « plus jamais ils ne parleraient comme avant« .

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Vous trouverez sur cette page…

1 – Les étapes entre l’émission de nos paroles et leur réception par nos auditeurs.

2 – Les différences entre les communications écrite et orale, et leurs conséquences pour la  préparation.

3 – Comment transformer nos difficultés personnelles en tremplins.

Dans le livre, vous découvrirez en plus « les étapes du positionnement de nos auditeurs».

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I – De la Parole aux Cerveaux         Physiologie de la transmission orale

Extrait de « Homélies et Prises de Parole Publique – 30 exercices pour se Perfectionner – (chapitre I, 4)

               Si vous êtes certain que tous vos auditeurs comprennent toujours tout ce que vous dites, ne lisez pas cet article.  « Comprennent quoi ? »,  direz-vous.

  • d’abord les sons, les mots, les phrases…
  • puis ensuite, les idées que vous cherchez à transmettre dans  votre homélie ou votre exposé.

« Certains croient pouvoir être de bons prédicateurs parce qu’ils savent ce qu’ils doivent dire, mais ils négligent le comment, la manière concrète de développer une prédication […] L’importance évidente du contenu de l’évangélisation ne doit pas cacher l’importance des voies et des moyens » (Evangelii Gaudium 156). Ne suffit-il donc pas de s’être laissé éclairer par l’Esprit Saint en priant-ruminant les textes du jour ? Le prédicateur devrait-il aussi s’adjoindre des moyens humains ? Pourquoi cette insistance du Pape François sur la préparation de la manière de communiquer ?

Trois raisons : le prédicateur, la nature de ce qu’il transmet et les difficultés des receveurs. Le prédicateur n’est pas un simple chargé de mission, mais un amoureux/fou de Dieu (imaginez un instant Saint Jean-Baptiste lisant son texte !) ; la nature de ce qu’il transmet, avant d’être un enseignement doctrinal ou moral, est d’abord l’incroyable amour de Dieu fait homme et la joie qui en découle (peut-on transmettre cette folie sans exprimer un minimum d’enthousiasme ?) ; ceux à qui il parle ont des difficultés souvent insoupçonnées (serait-ce les aimer que ne pas tenir compte ?). Les deux premières raisons sont au cœur de la vie des prédicateurs, mais les difficultés des receveurs leur sont parfois moins connues.

Le chemin de la parole aux cerveaux est-il un long fleuve tranquille ? Qu’en dit la physiologie ? La transmission d’idées demande-t-elle un travail seulement au prédicateur, ou aussi  aux auditeurs ? Les réponses nous conduirons au fait que le prédicateur doit adapter sa manière de communiquer aux capacités des seconds, et que cela implique travail, évaluation et méthode.

Pour comprendre ce qui suit, il nous faut d’abord admirer la manière dont fonctionne la transmission d’idées. Toute communication implique un contenu (des sensations de l’ordre du plaisir ou/et des idées/informations), un émetteur (dans le cas des homélies, le prédicateur ; dans celui d’un texte écrit, l’auteur), et un ou des récepteurs, (les auditeurs ou les lecteurs). Le contenu peut être très divers : les sensations touchent l’émotionnel et les idées, l’intelligence. Le prédicateur transmet les deux, sa Joie et des informations : la Bonne Nouvelle qui en est le fondement, et les comportements évangéliques qui en découlent. Les récepteurs reçoivent des stimuli sensoriels qui, véhiculés par leurs nerfs, aboutissent à différentes formes de perceptions que leurs cerveaux vont décrypter et utiliser pour construire leurs référentiels et guider leur conduite. Au terme, les récepteurs vont se positionner vis-à-vis du contenu transmis : adhésion, indifférence ou rejet. Auparavant ils doivent avoir reçu le message, l’avoir compris et mémorisé. On verra ultérieurement que « le positionnement » est un processus actif en trois étapes : analyse, comparaison/synthèse et décision.

La réception, étape préalable indispensable, est le sujet de ce chapitre. La physiologie nous enseigne que, comme toute activité humaine, elle dépend du cerveau et que toute transmission est un processus actif qui implique un travail tant de la part de l’émetteur que des récepteurs.

Quel est le plus important ? Tout ce que l’émetteur voudrait transmettre ? Ou ce que les récepteurs capteront et retiendront ? Or, selon que l’émetteur utilisera des moyens adaptés ou non aux capacités de réception de ses auditeurs, sa communication peut aussi bien obtenir le positionnement recherché, que les laisser indifférents ou provoquer l’effet inverse. Heureusement le résultat de toute communication peut être évalué si on utilise des moyens appropriés.

I – La réception, processus « actif » simple ou complexe ?

Lorsqu’on communique un message pour qu’il soit pris en compte, trois actions plus ou moins simultanées sont sollicitées chez les récepteurs : la perception, la compréhension et la mise en mémoire.

Analysons en premier la perception et la compréhension. S’il est évident que l’émetteur doit mobiliser son cerveau lorsqu’il prépare le contenu, puis lorsqu’il écrit ou parle, qu’en est-il pour les récepteurs ?

1° La perception et la compréhension

  • L’écrit

Lire un écrit est un acte cérébral volontaire. Combien de documents, après un rapide coup d’œil, finissent à la corbeille ? Combien de fois avez-vous parcouru des lignes du regard sans faire l’effort d’en « comprendre » les mots puis le sens, l’essentiel et encore moins les finesses ? Pourquoi ? Soit parce qu’ils ne vous intéressaient pas, soit parce que leur présentation était indigeste ou rebutante. « Comprendre » ne peut se faire sans un accord entre les mots transmis par l’émetteur et les capacités de réception des lecteurs : l’écrivain rend compréhensible et les lecteurs font l’effort de comprendre. Ont-ils une chance de comprendre un texte écrit dans une langue inconnue ou réservée à des initiés, ou lorsque l’agencement des idées est trop complexe ou lorsqu’elles font appel à des connaissances absentes ? Si l’émetteur se contente d’écrire des idées brutes sans les adapter aux capacités de lecteurs, la plupart décrocheront.

  • L’oral

Qu’en est-il de la perception d’une transmission verbale ? D’abord ne confondons pas « entendre » et « écouter » et ensuite, « comprendre. »

« Entendre » met en jeu de nombreux éléments de notre cerveau : l’oreille interne, très complexe, des transmetteurs neuronaux et chimiques, et un système nerveux apte à recevoir les sons. Pour ceux qui ont « bonne oreille », ce peut être un phénomène passif, cad. qui ne nécessite pas d’effort de volonté. Mais il peut arriver que, distrait ou préoccupé, je n’entende pas la voiture qui risque de m’écraser ou que, dans un contexte sonore, je ne discerne le chant d’un oiseau que si je m’en donne la peine. « Entendre » nécessite donc une disponibilité de mes sens et de mon cerveau. En son absence, il me faut éteindre les parasites, ce qui est un choix de mise en vigilance, donc une action volontaire. Les malentendants, eux doivent « tendre l’oreille », ce qui est rapidement fatigant.

« Ecouter » est un acte bien plus élaboré qui nécessite un effort volontaire  d’activation02-Entendre n'est pas Ecouter WEB des diverses zones sous-corticales et corticales chargées de l’intégration sonore et de son décryptage, ce qu’exprime l’expression : « fixer son attention ». C’est un phénomène bien connu des vieux couples : « Répète-moi ce que je viens de dire… » Le conjoint inattentif en est incapable car, bien qu’ayant entendu les sons, il n’a pas fait l’effort de les écouter pour en faire des mots puis des idées…

Reste ensuite à « comprendre » : les mots d’abord, les idées ensuite, le chemin recherché par l’émetteur enfin. Comme dans un escalier, à chaque étape, les récepteurs doivent décider de monter des marches, puis en faire l’effort. Ils peuvent s’arrêter avant le premier étage si les mots ne sont pas compréhensibles, avant le second si les idées ne sont pas clairement énoncées, et avant le troisième si elles ne sont pas réunies par un fil rouge, l’objectif de l’émetteur, le sens vers lequel il cherche à nous entrainer.           

Si l’activation des territoires cérébraux concernés est l’effet d’un acte volontaire[1], par quels moyens l’émetteur peut-il déclencher cette décision de la part des récepteurs ? Ecouteront-ils et feront-ils l’effort de comprendre en l’absence d’un intérêt soit pour le contenu du message, soit pour la façon dont il est émis ? Si le message est perçu comme inutile car dépourvu de bénéfices pour leur survie ou leur plaisir[2], ou contrariant parce qu’il contredit leurs convictions ou exige des changements désagréables, ne fermeront-ils pas le livre ou leurs oreilles ? S’il est exposé de manière peu compréhensible et rébarbative, auront-ils envie de le recevoir ? Le rôle de la façon de communiquer, peut être vérifié quotidiennement. À l’extrême, le désagrément ressenti peut provoquer la volonté de penser à autre chose.

Aucun prédicateur ne peut faire l’impasse sur ces questions. Dans une homélie, qu’est-ce qui peut susciter l’ENVIE de mettre en activité les zones cérébrales concernées par l’écoute et la compréhension ?

Mais cela ne suffit pas.

2° Le stockage dans des mémoires aux capacités différentes

Pour qu’un message – écrit ou oral – soit acquis, il faut aussi qu’il soit mis en mémoire. Cette étape débute avant le « positionnement » des récepteurs. Si le contenu transmis n’est pas « stocké », aussi intéressant ou émouvant soit-il, qu’en restera-t-il ? Quelques idées au hasard, souvent du vent. « C’était beau mais je ne me souviens plus de quoi il a parlé. » Une partie de la mémorisation peut être passive si l’émetteur utilise des moyens facilitateurs comme la répétition, (procédé à ne pas laisser aux seules écoles coraniques), les images fortes et l’émotion suscitée. Une autre partie nécessite de la part des récepteurs un travail supplémentaire, donc la mise en activité de zones cérébrales.

Or il suffit d’observer un petit groupe d’étudiants pour constater que les vitesses de réception/compréhension et les capacités d’enregistrement varient considérablement d’un individu à l’autre. Si l’orateur veut que tous aient compris et retiennent et qu’aucun ne décroche, il doit s’adapter non à leur vitesse moyenne mais à celle des plus lents. Certains ne comprendront et ne mémoriseront que si le message a été répété plusieurs fois et formulé de façons différentes.

Les Cinq étapes de la réception d’un message

  • Entendre : pas évident chez le distrait ou le sourd,
  • Ecouter : fixer son attention et éteindre le reste,
  • Comprendre : les mots, les idées, le sens général,
  • Mettre en mémoire : stocker pour se souvenir,
  • Se positionner : analyser + comparer + choisir.

        Tout processus actif exige un effort. Qu’est-ce qui va déclencher chez les lecteurs ou les auditeurs la volonté d’activer ces zones de stockage/réminiscence ? La seule réponse est « l’envie ». Elle seule est capable de déclencher la mise en activité des zones cérébrales concernées.

Le prédicateur doit donner « Envie » : envie d’écouter, envie de comprendre, envie de mémoriser. On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. Qu’il distribue un texte ou délivre une parole, le prédicateur, est confronté au même problème : chez les récepteurs, la soif d’écouter, comprendre et mémoriser est un préalable indispensable pour atteindre son objectif ultime, donner envie d’adhérer. Reste ensuite à adapter la vitesse de communication aux possibilités de réception/compréhension/mémorisation des auditeurs.

II – Comment susciter l’envie de recevoir et de mémoriser ?

Comment donner cette soif qui fait que les récepteurs se sentent concernés et soient captivés ? Le prédicateur, nous l’avons vu, doit toucher l’intellect et l’émotionnel [3].

1° L’intellect

Le contenu doit être clair, rejoindre les auditeurs dans leurs préoccupations et susciter de leur part une réflexion.

  • En premier, la parole doit être claire aux deux sens de ce mot : « Le langage peut être très simple, mais la prédication peut être peu claire. Elle peut devenir incompréhensible à cause de son désordre, par manque de logique, ou parce qu’elle traite en même temps différents thèmes. » (EG 158)

– Claire pour que l’oreille distingue – Cinq circonstances peuvent s’y opposer. Les deux premières tiennent à l’acoustique et à l’installation de sonorisation du lieu. Nombre de nos églises n’ayant pas été conçues avec les règles qui président à la construction des auditoriums, les échos multiples entrechoquent le son actuel et les sons récents dans tous les sens : il existe des moyens d’étouffer l’écho, et, si nécessaire, il ne faut pas hésiter à sacrifier un peu de la beauté des murs ou de la voûte. Parfois c’est la sonorisation qui doit être améliorée. Les trois autres tiennent à l’orateur, soit qu’il mange la fin des phrases, soit qu’il utilise mal son micro (trop près, trop loin, à côté… chaque micro ayant des spécificités d’utilisation précises), ou surtout lorsqu’il s’exprime dans une langue différente de sa langue d’origine. Ces trois défauts peuvent être corrigés par les exercices en ateliers dédiés.

– Claire ensuite pour que l’intellect comprenne Des mots « professionnels » ou une succession d’idées sans objectif précis, ni plan structuré ne donneraient ni la soif d’écouter, ni la capacité de mémoriser. Par objectif, il faut entendre ce que l’émetteur espère obtenir chez ses auditeurs : un surplus de connaissances, de compétences ou de comportement (ce que j’ai envie qu’ils sachent et soient capables de transmettre à leur tour, qu’ils sachent faire ou qu’ils aient envie d’être). L’absence d’objectif précis s’accompagne généralement d’une énumération d’idées qui, insuffisamment argumentées, seront ressenties comme des poncifs ou des diktats dépourvus de fondements. Les récepteurs n’en sortent pas convaincus. Pire, ils éprouvent souvent la sensation que l’émetteur est inintelligent (« ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement« ), ou qu’il n’a pas préparé et donc qu’il méprise un auditoire captif et trop respectueux pour protester. À l’inverse, un objectif précis, un argumentaire bien nourri dans chaque partie (faisant appel selon les cas à l’induction à partir d’un cas, à la déduction, à l’analogie, ou à la démonstration par l’absurde) et l’absence de digressions inutiles stimulent l’intérêt[4].

  • Ensuite le contenu doit rejoindre les receveurs dans leurs préoccupations : « L’homélie est la pierre de touche pour évaluer la proximité et la capacité de rencontre d’un pasteur avec son peuple. » (EG 135)
  • Enfin, il est prouvé que les cerveaux adhèrent davantage lorsqu’on les aide à construire la réponse plutôt que lorsqu’on la leur impose toute digérée.

Quatre moyens permettent de stimuler une réflexion personnelle chez les receveurs : en premier, les questions appelant une réponse, mais aussi les provocations contraires au sens commun qui les feront réagir, les paraboles et analogies qui nécessitent un travail de décryptage, les images qui sollicitent l’imaginaire. Cette « pédagogie active » stimule l’intérêt, facilite la compréhension et la mémorisation, entraine plus souvent l’adhésion et amplifie les chances d’aboutir à un changement de comportement (une conversion). Le discours passif passe ; la pédagogie active entraine adhésion et agir. D’où l’importance du choix de formulations  plus interrogatives qu’affirmatives et de la bonne utilisation des silences.

L’arsenal pour faire réfléchir :

  •       les questions suivies d’un silence,
  •       les provocations,
  •       les comparaisons qui bousculent,
  •       les paraboles et hyperboles,
  •       les analogies,
  •       les images bien choisies,
  •       les déplacements de niveaux.

2° L’émotionnel

La capacité à toucher les cœurs repose sur le style dans les écrits et sur l’expression orale dans les homélies[5]. Cette dernière associe le verbal et le non-verbal.

  • Le verbal : si vous parlez à vos auditeurs sans varier votre voix en fonction de l’importance de ce qui est dit, ni accorder vos intonations aux propos, ils auront l’impression que l’émetteur transmet un message auquel il ne croit pas, qu’il communique par devoir et non par amour[6]. Une voix chaleureuse suscite l’attention bien plus qu’une voix neutre et froide.
  • Le non-verbal : parlez-leur sans les regarder, et la plupart ne vous écouteront pas. Ne montrez aucune émotion et ils n’en ressentiront aucune, si ce n’est que l’émetteur n’est pas convaincu de ce qu’il dit. Il parle « devant eux » et non « à eux ». Il parle parce que son métier l’y oblige !

Intonations et non-verbal transmettent l’attitude de l’orateur vis-à-vis de son auditoire : empathie, indifférence ou mépris ? Selon son expression orale, son effet peut aussi bien être positif que négatif : transmettre la fascination pour Jésus-Christ ou l’ennui d’une doctrine dépassée et ringarde. Les émetteurs devraient toujours s’interroger sur ce qu’ils expriment, leur conviction ou l’opposé de ce qu’ils ont l’intention de transmettre.

Toute communication orale associe de l’auditif et du visuel. Un émetteur peut-il faire l’économie du questionnement sur ce qu’il transmet réellement ? Ce qu’il voulait ou le contraire[7] ? Selon son cœur ou l’inverse ? Et peut-il faire abstraction des possibilités d’écoute de ses auditeurs ?

III – La réception fonctionne-t-elle pareillement chez tous ?

La réception utilise principalement deux sens, l’audition et la vision, et une troisième modalité plus complexe, « l’action ». Selon les individus, ces modalités sont inégalement aptes à la transmission aux cerveaux. On distingue schématiquement trois sortes d’individus :

  • les auditifs enregistrent en écoutant. Dès la préhistoire, nos ancêtres, pour survivre, devaient écouter les sons émis par les prédateurs ou la viande sur pattes. Certains musiciens peuvent jouer parfaitement un air qu’ils n’ont entendu qu’une seule fois. Certains peuvent parfaitement résumer une conférence ; chez d’autres, en dépit de leurs efforts, les paroles ne gravent pas.
  • les visuels enregistrent en voyant des images et/ou en lisant un texte. Avant la généralisation des livres il y a 500 ans, la statuaire et les vitraux de nos cathédrales étaient un des principaux moyens de transmission. Aujourd’hui encore, dans les journaux et les livres, les images en disent souvent autant que le texte. Leur emprise a décuplé avec les bandes dessinées, les films, la télévision, internet et les réseaux sociaux. Les conférenciers s’aident de supports audio-visuels. Le Pape François durant ses homélies, lorsqu’il utilise des images choisies, associe l’illustration gestuelle à la parole[8].
  • les actifs enregistrent en prenant des notes par écrit ou sur leur ordinateur, ce qui les oblige constamment à une analyse et à une synthèse rapides, donc à une vigilance constante. Ceux-là, retirez leur cette « action » et ils auront davantage de difficulté à suivre.

Parmi ces trois modalités, chaque individu en a une plus efficace que les autres. L’idéal est donc de les associer, ce qui est le cas lorsqu’un conférencier associe des projections et que les auditeurs prennent des notes. Les moyens du prédicateur sont plus limités. Il doit donc compenser.

Que se passe-t-il lorsqu’un des sens vient à manquer ? Les aveugles compensent par l’exacerbation de leur capacité auditive et tactile, tant pour la réception et la mémorisation que pour la création et la transmission. Au temps des premiers pharaons et des grecs, les aèdes étaient généralement des aveugles et les griots africains le sont souvent qui peuvent captiver durant des heures. Pareillement, les sourds compensent en lisant sur les lèvres et avec leurs doigts pour le braille.

Il en ressort que ceux qui par l’écoute seule, enregistrent moins bien que d’autres, bénéficieraient d’un texte écrit ou de l’invitation à prendre des notes. Les malentendants, nombreux parmi les têtes grises, seraient aussi aidés par un support écrit (texte intégral, simple plan ou résumé rudimentaire). Enfin, pour un message important, le plus efficace serait de faire appel aux trois modalités.

IV – L’Ecoute est-elle la même dans tous les milieux ?

Alors qu’il s’agit de rejoindre les auditeurs dans leur vie, pouvons-nous omettre de nous interroger sur les thèmes qui intéressent/concernent les grands ensembles de population auxquels nous nous adressons, sur la variété des images qui leur parlent, sur les mots qu’ils comprennent et leurs manières d’aborder les concepts[9] ? Ici nous ne pouvons que poser les questions sur lesquelles tout prédicateur doit s’interroger. L’écoute est-elle la même selon…

  • les niveaux d’enracinement des auditeurs : engagement dans la prière et les actions évangéliques, adhésion au Christ et à l’Eglise ?
  • les niveaux d’approfondissement de la foi : ceux qui savent, ceux qui ignorent l’essentiel, ceux qui croient savoir et ceux qui débarquent ?
  • les différentes tranches d’âge : enfants, adolescents, adultes actifs ou en quête d’un emploi, têtes grises ?
  • les situations familiales, parents, grands-parents, mariés ou remariés, célibataires en quête d’union stable, assumant leur célibat ou le vivant comme une frustration, veufs, couples homosexuels ?
  • les différents milieux culturels et professionnels ? Parle-t-on pareillement à des universitaires, à des dirigeants d’entreprises, à des agriculteurs ou à des ouvriers ?

Cette adaptation débute avec le choix des mots en se rappelant leur fréquente polysémie et les deux murs qui gênent toute communication : celui entre la pensée de l’émetteur et les mots prononcés, puis celui entre ceux-ci et ce que comprennent les récepteurs, chacun déformant avec son vécu, ses expériences et son référentiel.

Les auditoires varient mais ont généralement une ou deux dominantes et il faut être compris de tous, sans oublier les personnes en recherche ou celles tentées de quitter l’Eglise. 

V – Comment améliorer sa manière de communiquer ?

Il ressort de tout ce que nous avons vu, que pour un prédicateur, l’objectif premier de la communication est de créer chez les récepteurs « la soif » d’écouter, de comprendre et de mémoriser. Tout cela pour atteindre son objectif ultime, la soif d’adhérer au Christ et à son Eglise. Quand on veut éclairer le plus grand nombre possible de gens, on choisit une bonne lampe et on la place sur un chandelier. La communication de la prédication n’échappe pas aux lois générales, valables pour toutes les autres : elle nécessite travail, évaluation et méthode.

  • Le travail – L’art des homélies n’est pas inné et la sainteté ou les connaissances d’un prêtre ne gagent pas de sa capacité à bien communiquer. Comme pour la préparation du contenu, celle de la forme nécessite d’y consacrer du temps[10]. Ce temps sera amplement récompensé par l’amplification de ce qu’auront compris et retenu les auditeurs, fidèles ou personnes en recherche. Mais l’effort et le temps passé atteindront-ils une efficacité maximale si, faute de méthode précise, on improvise ? Nous avons besoin de deux béquilles complémentaires.
  • L’évaluation – C’est le seul moyen de savoir comment notre communication est perçue. Car peut-on progresser réellement sans savoir où on en est ? 1° Est-ce qu’on m’entend bien de partout ? 2° Est-ce qu’on comprend bien mes mots ? 3° Est-ce que les auditeurs sont intéressés ? 4° Est-ce que je rejoins les intellects ? 5° Est-ce que les auditeurs mémorisent ? 6° Est-ce que je touche les cœurs ? 7° Est-ce que je donne envie de revenir ? Aucune entreprise pour laquelle la communication est importante ne se passe d’évaluations institutionnelles.
  • Des méthodes de communication propres à notre temps – Leur rôle n’est pas de modifier/altérer « un message éternel » mais d’adapter la façon de le transmettre aux divers publics actuels. Ces publics sont sursaturés de communications généralement bien réfléchies et parfaitement structurées, et soumis au matraquage d’idéologies différentes. Leur façon d’écouter n’est plus celle d’autrefois. Il faut donc se former aux méthodes les plus efficaces.

Pour ces deux « béquilles », certains diocèses ou séminaires ont des formations propres. S’il n’y en a pas, on peut se former soit seul en faisant les exercices que nous proposerons dans des chapitres ultérieurs, soit mieux, en s’inscrivant à un atelier spécialisé, comme en propose le Service d’Optimisation des Homélies. Ces sessions interactives, formatées pour trois prédicateurs, durent quatre demi-journées. Elles associent théorie et exercices devant la vidéo et des auditeurs bienveillants qui adaptent leurs conseils aux charismes et difficultés personnelles de chaque prédicateur.

…………

            En conclusion, si l’essentiel de toute transmission réside dans son contenu, un « art de communiquer » adapté aux auditeurs est un pré-requis indispensable pour entrainer leur adhésion à ce contenu et cet art implique travail, évaluation et méthode, donc entrainement dans des ateliers dédiés.

Des habitudes à bousculer ? N’est-ce pas ce à quoi nous incite le Pape François ? « La pastorale en terme missionnaire exige d’abandonner le confortable critère pastoral du « on a toujours fait ainsi »… J’invite chacun à être audacieux et créatif dans ce devoir de repenser les objectifs, les structures, le style et les méthodes évangélisatrices de leurs propres communautés. » (EG 33)

[1]  Le travail effectué par les zones cérébrales activées est prouvé par l’afflux sanguin dans ces territoires.

[2] EG 155 – « Rappelons qu’on n’a pas besoin de répondre à des questions que personne ne se pose. »

[3] EG 136 – « Par la parole, notre Seigneur s’est conquis le cœur des gens. Ils venaient l’écouter de partout (Mc 1, 45). Ils restaient émerveillés, “buvant” ses enseignements (Mc 6,2) ».

[4] EG 143 – « La différence entre faire la lumière sur la synthèse et faire la lumière sur des idées décousues entre elles, est la même qu’il y a entre l’ennui et l’ardeur du cœur. »

EG 158 – « Paul VI disait déjà que les fidèles « attendent beaucoup de cette prédication et de fait en reçoivent beaucoup de fruits, pourvu qu’elle soit simple, claire, directe, adaptée ». La simplicité a à voir avec le langage utilisé. Il doit être le langage que les destinataires comprennent pour ne pas courir le risque de parler dans le vide. Il arrive fréquemment que les prédicateurs se servent de paroles qu’ils ont apprises durant leurs études et dans des milieux déterminés, mais qui ne font pas partie du langage commun des personnes qui les écoutent. Ce sont des paroles propres à la théologie ou à la catéchèse, dont la signification n’est pas compréhensible pour la majorité des chrétiens. Le plus grand risque pour un prédicateur est de s’habituer à son propre langage et de penser que tous les autres l’utilisent et le comprennent spontanément… La simplicité et la clarté sont deux choses différentes. Le langage peut être très simple, mais la prédication peut être peu claire. Elle peut devenir incompréhensible à cause de son désordre, par manque de logique, ou parce qu’elle traite en même temps différents thèmes. Par conséquent une autre tâche nécessaire est de faire en sorte que la prédication ait une unité thématique, un ordre clair et des liens entre les phrases, pour que les personnes puissent suivre facilement le prédicateur et recueillir la logique de ce qu’il dit. »

[5] EG 141 – « On reste admiratif des moyens qu’emploie le Seigneur pour… captiver les gens simples avec des enseignements si élevés et si exigeants. »

[6] EG 146 – « La préparation de la prédication demande de l’amour. On consacre un temps gratuit et sans hâte uniquement aux choses et aux personnes qu’on aime. »

[7] EG 10 – « Un évangélisateur ne devrait pas avoir constamment une tête d’enterrement. Retrouvons et augmentons la ferveur, la douce et réconfortante joie d’évangéliser, même lorsque c’est dans les larmes qu’il faut semer […] Que le monde de notre temps qui cherche, tantôt dans l’angoisse, tantôt dans l’espérance, puisse recevoir la Bonne Nouvelle, non d’évangélisateurs tristes et découragés, impatients ou anxieux, mais de ministres de l’Évangile dont la vie rayonne de ferveur, qui ont, les premiers, reçu en eux la joie du Christ. »

[8] EG 157 – « Un des efforts les plus nécessaires est d’apprendre à utiliser des images dans la prédication, c’est-à-dire à parler avec des images. »

[9] EG 154 – « Le prédicateur doit aussi se mettre à l’écoute du peuple, pour découvrir ce que les fidèles ont besoin de s’entendre dire. Un prédicateur est un contemplatif de la Parole et aussi un contemplatif du peuple. De cette façon, il découvre les aspirations, les richesses et limites, les façons de prier, d’aimer, de considérer la vie et le monde qui marquent tel ou tel ensemble humain, prenant en considération le peuple concret avec ses signes et ses symboles et répondant aux questions qu’il pose. Il s’agit de relier le message du texte biblique à une situation humaine, à quelque chose qu’ils vivent, à une expérience qui a besoin de la lumière de la Parole. »

[10] EG 145 – « La préparation de la prédication est une tâche si importante qu’il convient d’y consacrer un temps prolongé d’étude, de prière, de réflexion et de créativité pastorale… Certains curés soutiennent souvent que cela n’est pas possible en raison de la multitude des tâches qu’ils doivent remplir ; cependant, j’ose demander que chaque semaine, un temps personnel et communautaire suffisamment prolongé soit consacré à cette tâche, même s’il faut donner moins de temps à d’autres engagements, même importants ».

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A découvrir dans le livre…

      Après l’écoute, comment se fait le positionnement des auditeurs ?

     Car convertir n’est-ce  pas attirer vers un certain positionnement ?

     Que se passe-t-il dans la tête de vos auditeurs ?

     Suffit-il de les gaver comme des oies ?

     Comment attirer vers le positionnement évangélique ? 

                                                                                     Réponses au Chapitre I, 7 

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II – Les communications écrite et orale Avantages et désavantages respectifs

Chapitre I, 3 du livre « Homélies et prises de parole publique – 30 exercices pour se perfectionner » 

                Que diriez-vous de quelqu’un qui veut transmettre un message important et qui ne ferait aucun effort de communication ?

Pourtant la « communication » a mauvaise presse dans l’Eglise Catholique, y compris auprès des esprits les plus aptes à bousculer nos habitudes. Un exemple : au cours d’une de ses conférences de carême 2018 à Notre Dame de Paris, le philosophe Fabrice Hadjadj a glissé une critique sur « les défenseurs d’une Église « qui bouge », et qui se figurent que la com est plus décisive que la lectio divina » ?  Comme si les deux étaient du même domaine. Comme si le chandelier n’aidait pas la lampe à éclairer davantage…

Les bons orateurs ont tendance à méconnaître les difficultés de ceux qui n’ont pas leur 03-De la nécessité de laisser du temps pour l'analyse WEBcharisme. Inutile, le travail de la communication quand des homélies sont incompréhensibles du fait d’une prononciation étrangère ou parce que le prédicateur n’a pas appris à maîtriser les brouillages dus aux résonances des lieux ? Quand de certaines, on ne retient rien, faute d’un objectif précis, ou d’un plan clair ? Quand des auditeurs s’endorment ?

Ce mépris pour la communication, relève de cinq ignorances :

  • les différences entre les communications écrite et orale,
  • le rôle évangélisateur des homélies alors qu’à notre époque, elles sont pour beaucoup la seule occasion d’entendre parler du Christ et de son Eglise,
  • le fait que, faute de retours objectifs, la plupart des prédicateurs ignorent la manière dont leurs homélies sont reçues,
  • l’effet attractif des homélies intéressantes et répulsif des autres, avec leur impact sur la participation aux messes dominicales,
  • les progrès en matière d’intéressement, de compréhension, de mémorisation et d’adhésion que procurent les exercices avec une méthode appropriée.

Car de quelle communication parlons-nous ici ? De celle des publicistes qui pour vendre n’hésitent pas à mentir sur l’utilité ou les qualités des produits ? De celle des hommes politiques qui vantent leur capacité à mieux gérer le monde ? De celle des acteurs qui cherchent à rendre véridiques des personnalités qui leur sont étrangères ? De celle des avocats qui pour défendre leurs clients n’hésitent pas à travestir la vérité ? Ou de celle qui consiste à utiliser les moyens humains qui touchent les intelligences et les cœurs pour mieux transmettre Jésus-Christ dans l’Amour et la Vérité ?

L’accompagnement en communication consiste à donner à chaque prédicateur des outils pour mieux transmettre. L’expérience acquise auprès d’un millier de prédicateurs venus s’entraîner en ateliers spécialisés a montré que leurs charismes et leurs difficultés en matière de communication sont éminemment variables et que, quel que soit son niveau, chacun peut progresser en s’exerçant avec une méthode adaptée. Mon objectif  n’est évidemment pas de critiquer des prédicateurs mais de les aider à mieux transmettre.

I – Deux communications bien différentes

         Arrêtons-nous un instant sur la première ignorance, celle des différences entre la communication écrite et la communication orale. Toutes deux ont en commun de ne pouvoir se passer du travail, en premier sur le fond et, en second, sur la manière de communiquer afin de se donner les meilleures chances de rejoindre l’intellect mais aussi l’émotionnel des récepteurs[1]. Toutes deux ont des similitudes comme l’intérêt des images pour solliciter l’attention ou des questions pour provoquer une réflexion active. Mais ensuite, chacune a ses spécificités dont l’autre est dépourvue.

1° La communication écrite a deux avantages et un inconvénient

– Les deux avantages

  • les récepteurs pourront découvrir et ruminer le message à leur rythme : ils le liront quand ils en auront envie ; ils le feront lentement ou rapidement selon la nature du contenu et la capacité de leur cerveau à l’instant de la lecture ; ils pourront le travailler soit en surlignant les mots et idées importants, soit en prenant des notes, soit en rédigeant un résumé ou un lexique ; ils auront enfin la possibilité de revenir en arrière sur les passages incompris, ou sur lesquels ils ont envie de réfléchir plus profondément, ou dont ils veulent imprégner leur mémoire.
  • le texte pourra être consulté à nouveau ultérieurement, à condition que l’auteur ait travaillé à créer l’envie de le conserver…

– L’inconvénient majeur

  • L’émetteur n’a pas la possibilité de transmettre directement sa passion, sa compréhension, son intime conviction, son adhésion profonde.

 2° La communication orale a un avantage et trois inconvénients

– Un avantage majeur

  • l’orateur/émetteur peut transmettre sa conviction de cœur à cœur, directement par ses variations vocales (force, débit, intonations) et par le « non-verbal » (attitude générale, regards, gestuelle, expressions du visage)[2].

– Trois inconvénients :

  • les récepteurs ne peuvent pas aller à leur rythme : une élocution trop lente ou trop rapide sera contre-productive ; ils ne pourront pas revenir en arrière s’ils n’ont pas compris un passage ; les moyens de mémorisation sont limités à ceux employés par l’émetteur (s’il en emploie) ; le temps laissé à leur propre réflexion est dramatiquement réduit à celui des questions-réponses (à condition que l’émetteur en utilise).
  • la communication orale est orateur/dépendante : certains sont spontanément doués ; d’autres ne le sont pas. S’ils ne cherchent pas à optimiser leur manière de transmettre aux cerveaux et de toucher les cœurs, quelle que soit la qualité du contenu, ils perdent à la fois les avantages de la communication écrite et ceux de la communication orale ! Imaginez Saint Jean le Baptiste ou Saint Paul lisant leurs textes !
  • en l’absence de support textuel, les paroles s’envolent (scripta manent).

Au total, les deux communications, l’orale et l’écrite, nécessitent des efforts spécifiques pour captiver les récepteurs, auditeurs ou lecteurs, mais la première nécessite beaucoup plus de travail[3]. En effet, si l’une et l’autre nécessitent un labeur de structuration (souvent imposé par la nature du contenu à transmettre), l’oral nécessite en plus un travail de préparation de la manière de le communiquer.

II – De la qualité de l’expression orale à celle de l’écoute

Qu’arrive-t-il quand un orateur en méconnaît les contraintes et les règles ? Pour l’orateur, pas grand-chose en l’absence de retour précis et honnête. Mais pour les auditeurs !!! Ces erreurs – qu’il faut apprendre à éviter – peuvent être regroupées en trois catégories. En voici quelques exemples. 

1° Les erreurs qui concernent l’objectif et les messages                      

  • Paraphraser génère chez les auditeurs le sentiment que vous les prenez des débiles ou que vous n’avez pas fait le travail sur le fond,
  • L’inadaptation au niveau de l’auditoire fait qu’ils sont soit in-intéressés soit largués,
  • L’enchaînement des lieux communs entraîne vite le sommeil,
  • La durée excessive d’une homélie (la vigilance auditive moyenne étant de 8 minutes), au lieu de préparer à la liturgie eucharistique, sème le sommeil voire l’énervement,
  • La répétition d’idées auparavant abondamment développées sème l’idée que l’orateur méprise son auditoire,
  • La surabondance d’idées ou de messages fait que la plupart des auditeurs débranchent et ne retiennent rien,
  • L’improvisation sans objectif précis (ce que je veux qu’ils sachent, ou ce que je veux qu’ils sachent faire, ou bien ce que je veux qu’ils aient envie de faire) fait que les auditeurs ne retiennent rien ou que des brides,
  • Choisir l’objectif sans avoir préalablement exploré la liste des « possibles » devant les textes du dimanche concerné, et cherché celui qui est le plus essentiel pour les auditeurs, expose à redire sans cesse les mêmes banalités…

2° Les erreurs de structuration du contenu

  • L’absence de plan avec des étapes successives bien tranchées rend l’écoute et la compréhension difficiles,
  • Lorsque vous n’annoncez pas le thème et son importance pour leurs vies personnelles et sociétales, beaucoup d’auditeurs ne se sentent pas personnellement concernés,
  • Lorsque vous utilisez des mots trop spécialisés ou de sens variables, ils risquent d’être incompris ou de l’être de travers,
  • Si vous ne posez pas de questions destinées à faire réfléchir, vous réduisez les chances d’appropriation des messages,
  • L’absence d’anecdotes ou d’images ne favorise ni l’attention ni la mémorisation,
  • Sans annonce de la conclusion, beaucoup risquent de ne pas l’entendre,
  • Si, lors de cette conclusion, vous ne résumez pas le parcours effectué, vous diminuez les chances de mémorisation,
  • Lorsque vous terminez sans proposition concrète pour la vie quotidienne, beaucoup auront l’impression qu’il s’agit d’une théorie sans implication concrète, et non d’une invitation à suivre Jésus-Christ !

3° Les erreurs concernant l’expression orale 

  • La lecture d’un bon devoir a peu de chances d’emporter la conviction des auditeurs,
  • Un débit trop rapide ne permet pas de suivre et trop lent, il endort,
  • Le prédicateur qui ne pas regarde pas son auditoire donne l’impression qu’il ne l’aime pas et perd la possibilité de savoir s’ils suivent ou s’ils s’endorment,
  • Une voix monotone sans variations de timbre, de rythme, de force, de débit et d’intonations sème l’ennui et le sommeil,
  • Les intonations ou l’absence d’intonations peuvent transmettre un message opposé à celui que vous souhaitez,
  • Un ton professoral ou pontifiant est incompatible avec le témoignage[4].
  • Si, lorsque vous parlez, vous restez figé, sans gestuelle ni expressions appropriées du visage, vous donnez l’impression que vous accomplissez un devoir mais que vous ne vivez pas à ce que vous dîtes.

………..

           Cette liste n’est pas exhaustive. Chacune de ces erreurs contribue à rendre moins audible cette Parole de Dieu que nous voudrions faire aimer. Chaque fois c’est l’Eglise qui est devient moins audible. Bien heureusement, personne ne les commet toutes : à chaque rosier, ses épines. Bien heureusement aussi, le travail avec une méthode appropriée permet de s’en corriger durablement. Pour éviter que ces rendez-vous ne soient autant d’occasions manquées.

[1] Techniquement, toute communication se définit par un contenu, un émetteur et des récepteurs.

[2] Evangelii Gaudium 136 – « le Seigneur a aussi voulu rejoindre les autres par notre parole (cf. Rm 10,14-17). Par la parole, notre Seigneur s’est conquis le cœur des gens. »

[3] EG 145 -« La confiance en l’Esprit Saint qui agit dans la prédication n’est pas purement passive, mais active et créative. Elle implique de s’offrir comme instrument (cf. Rm 12,1), avec toutes ses capacités, pour qu’elles puissent être utilisées par Dieu. »

 [4] Evangelii Nuntiandi 41 (Paul VI) : « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins. »

*      *      *      *      *

III – Comment de nos difficultés, faire des tremplins ?

Extraits de «  Homélies et Prises de Parole Publiques – 30 Exercices pour se perfectionner »  (chapitre  I, 9)

                 Je croyais initialement que les difficultés diminuant notre capacité à transmettre oralement étaient peu nombreuses et que la principale était l’impossibilité de quitter l’ennuyeuse lecture « mot à mot » d’un texte. Cette manière de faire a prouvé son impuissance à graver autant dans les intelligences que dans les cœurs. D’ailleurs, pardonnez-moi d’insister, qui imaginerait Jésus, Jean-Baptiste ou Pierre le jour de la Pentecôte, lisant leurs textes ?Christ en paille

Ayant animé personnellement une cinquantaine de sessions pour des groupes de trois prédicateurs, j’ai vite mesuré mon erreur. […….] Chacun de nous a un charisme particulier. Il comporte des éléments positifs sur lesquels il faut bâtir. Mais aussi des éléments négatifs qu’il faut dépasser. L’objet de la liste qui suit n’est donc pas de provoquer un sentiment de culpabilité ou un pessimisme démobilisant mais d’aider chacun à se situer pour se perfectionner. L’impression personnelle devra ensuite être confrontée à l’avis d’amis objectifs.

Ces limites personnelles qu’il faut transformer en avantages

            Le négatif peut provenir aussi bien de nos qualités, telle une grande facilité de parole, que ce de qu’on peut considérer comme nos défauts, telle la timidité. Les unes et les autres appartiennent à notre personnalité, reçue de notre Père. À quoi servirait de nous plaindre que la terre reçue en héritage est ingrate ? Comme la terre, qualités et défauts doivent être travaillés, domestiqués, ensemencés, si on veut produire davantage et pour tous.

La facilité de parole : parce qu’il s’exprime facilement, le prédicateur risque de ne pas sentir la nécessité d’une préparation profonde de ses homélies : s’il se contente de paraphraser, diluant inutilement les textes, ou de parler de tout et de rien sans objectif précis, il provoquera de belles émotions mais il ne laissera aucun message précis.

La timidité ou la peur des trous de mémoire : pour ne pas se perdre, le prédicateur lit son texte d’une voix monocorde. Où est la passion de celui qui a décidé de consacrer sa vie pour Dieu et les hommes ? Arc-bouté derrière l’ambon comme à l’abri d’une muraille, les mains scotchées sur le pupitre de peur qu’elles ne le trahissent, son regard est rivé sur son papier et il ne voit pas que ses auditeurs s’endorment.

La trop grande agilité d’esprit : elle conduit à dire trop rapidement trop de choses importantes. Peu importe que les sons se télescopent en une inaudible cacophonie. De toute façon, l’avalanche d’idées complexes estourbit les auditeurs.

La peur des silences : les idées s’enchaînent sans intervalle. Les auditeurs n’ont le temps ni d’en mesurer la profondeur, ni de les analyser, ni de les mémoriser. Les plus belles pensées sont emportées par le torrent des suivantes. Maintenus dans la passivité, les auditeurs décrochent plus ou moins vite. Ceux qui arrivent à tenir n’ont pas le temps de s’approprier les messages.

La capacité d’émouvoir : elle permet de captiver sans unité thématique et sans messages précis. Les auditeurs éprouvent une sensation de beauté, de gravité, d’élévation. Elle les incite à la prière, ce qui est déjà beaucoup. Mais à la sortie, qu’en reste-t-il ? Une émotion éphémère.

La difficulté à cerner les besoins des auditeurs : le prédicateur, ne partant pas du sol sur lequel leurs pieds sont plantés pour les conduire de leur quotidien à la révélation du royaume des cieux[1], reste à un niveau théorique. Belle leçon, mais déconnectée de leurs problèmes : la plupart n’écoutent pas.

L’utilisation du langage ecclésiastique : les mots complexes, chargés de sens pour les spécialistes mais peu compréhensibles par les autres exposent à l’incompréhension ou à l’ambiguïté[2]. Si on ne prend pas le temps de les traduire en langage accessible ou de les expliquer, l’auditoire décroche.

Le centrage sur le négatif : il ne suscite pas l’envie d’écouter davantage, alors que le langage positif stimule : les auditeurs se découragent[3].

–  L’absence d’esprit de synthèse : la pensée est riche mais non domestiquée par un plan précis : il n’en restera qu’une série d’idées décousues. Certes, chacun pourra piocher ici ou là, au hasard, de ce qui lui parle, rejoint ses propres idées ou bien l’étonne. Certains auditeurs trouveront le prédicateur brillant et d’autres qu’il ne fait qu’agiter des poncifs. Une pensée bien structurée aurait permis de transmettre bien davantage[4].

–  L’enfermement dans sa propre méditation : elle conduit au mépris du temps et à une prédication trop personnelle : les uns s’endorment et la plupart s’énervent !

 L’ignorance des méthodes qui facilitent la mémorisation chez les auditeurs : le prédicateur déroule sa pensée sans utiliser d’images[5] et de répétitions permettant aux auditeurs de la stocker dans leur mémoire : à la sortie, ils ont tout oublié.

–  Le centrage exclusif sur le ciel : le prédicateur ne redescendant jamais sur terre, oublie de proposer des modèles d’application concrète à la fin de ses homélies. Allez… la messe est finie jusqu’à la semaine prochaine… L’absence d’exemples pratiques ne conduit pas à un agir chrétien dans la vie quotidienne : les paroissiens resteront des consommateurs de religion au lieu d’en devenir des acteurs… 

–  L’inattention aux règles d’utilisation des micros : chacun a des modalités d’utilisation différentes : une partie de l’auditoire n’entend pas, particulièrement parmi les malentendants (si nombreux dans nos églises), une autre partie a les oreilles cassées. Tous souffrent.

Le mépris du travail de la voix : sous prétexte de ne pas tomber dans les techniques commerciales, certains n’articulent pas, d’autres mangent la fin des phrases, d’autres parlent de façon docte et non convaincante… Les auditeurs résignés attendent sagement la fin de l’homélie.

            Cette liste n’est pas exhaustive. Chacune de ces qualités, chacun de ces défauts sont naturels. Dieu nous a fait ainsi. Si vous vous reconnaissez dans tel ou tel, surtout ne déprimez pas. Nous avons tous des charismes et des difficultés spécifiques. Il est normal d’avoir le trac. Il n’est pas « naturel » de penser aux méthodes de mémorisation par les auditeurs… Nous portons ce trésor dans des vases d’argile mais Il est avec nous jusqu’à la fin du monde.

            L’art de l’homélie est difficile à notre époque sursaturée de communications diverses et où de multiples référentiels sont en concurrence, chacun avec son bagage positif. Ne laissons pas aux autres l’utilisation des procédés qui facilitent la transmission orale. Toutes ces difficultés, sont surmontables par le travail. TOUTES ! Par les exercices, chacune peut être transformée en avantage.

            On objectera que, quelle que soit la médiocrité du contenu d’une homélie ou de son expression orale, chacun des auditeurs emportera un petit « quelque chose ». Mais est-ce suffisant ? Rappelons-nous les réponses des lecteurs à l’enquête du Pèlerin[6] : 56% seulement estimaient que celles qu’ils entendaient habituellement contribuaient à la formation des chrétiens convaincus, 36 % qu’elles pouvaient toucher les chrétiens à la foi vacillante, 29 % qu’elles pouvaient attirer les personnes en recherche et 19 % qu’elles pouvaient séduire les jeunes… Nous trahirions nos vocations si nous ne nous efforcions de faire mieux !

 Comment transformer nos limites en points d’appui ?

            Le livre  » Homélies et Prises de Paroles Publiques  » vous propose de faire des gammes et d’en évaluer les résultats. Pourquoi aussi bien le chirurgien que le chanteur d’opéra en font-ils ? Pour que l’excellence devienne une seconde nature, pour que les résultats soient à la hauteur de leurs espérances. Renâclerions-nous quand l’enjeu est que tous comprennent la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur de l’amour du Christ [7]?

            Dans la pratique, ces gammes doivent être personnalisées. Chaque prédicateur a un charisme personnel sur lequel il faut s’appuyer et des difficultés qu’il lui faut apprendre à surmonter. Il n’est pas question de construire une sorte de « prédicateur stéréotypé » aboutissant à un « modèle unique d’homélies », mais de perfectionner l’existant en conservant l’individualité de chacun. Si vous travaillez à plusieurs, vous constaterez que pour un même exercice, certains n’ont aucune difficulté alors que d’autres doivent le répéter plusieurs fois avant de le maîtriser. À chaque malade, sa maladie et son traitement. 

            Pour mieux transmettre Jésus-Christ et son enseignement, aucun effort ne peut paraître excessif. Ce que certains considèrent comme une perte de temps développe un double gain d’efficacité et d’assurance. Travailler sa manière de communiquer, c’est hisser la lumière sur un chandelier pour qu’elle éclaire davantage.

[1] Message final des Evêques du Synode sur La Parole de Dieu, 2008

[2] « Le plus grand risque pour un prédicateur est de s’habituer à son propre langage et de penser que tous les autres l’utilisent et le comprennent spontanément. » (EG, 158)

[3] « Dans tous les cas, s’il indique quelque chose de négatif, il cherche toujours à montrer aussi une valeur positive qui attire, pour ne pas s’arrêter à la lamentation, à la critique ou au remords. Une prédication positive offre toujours l’espérance, oriente vers l’avenir, ne nous laisse pas prisonniers de la négativité. » (EG 159)

[4] « La simplicité et la clarté sont deux choses différentes. Le langage peut être simple et la prédication peu claire. Elle peut devenir incompréhensible à cause de son désordre, par manque de logique ou parce qu’elle traite en même temps plusieurs thèmes. » (EG, 158)

[5] « Un des efforts les plus nécessaires est d’apprendre à utiliser des images dans la prédication. » (EG 157)

[6] Enquête effectuée en octobre 2008 dont les résultats sont parus dans Pèlerin, le 19 février 2009

[7] Ep 3,18

*     *     *     *     *     *

Comment faire une bonne homélie?

Interview de Didier Mellière par Maxime Dalle – Ecclesia Magazine – Radio Notre Dame – 23 octobre 2018

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