Cette page est consacrée à des débats avec des laïcs. Les sujets sont tous issus d’échanges divers. La page précédente réunit des débats avec des prêtres.
Débattre de quoi ? Pourquoi ? Comment ?
Débattre de Quoi ? Pas de Doctrine (ce n’est pas l’objet de ce site), mais de « la manière de transmettre notre foi ». Si cette manière n’est pas celle des prêtres du fait d’une différence de situation, en revanche, nous partageons avec eux le même devoir de faire connaître Jésus-Christ, son enseignement et l’Église à laquelle nous appartenons, chacun à sa place, mais tous complémentaires. « Chaque baptisé, quels que soient sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation. Il serait inadéquat de penser à un schéma d’évangélisation utilisé pour des acteurs qualifiés, où le reste du peuple fidèle serait seulement destiné à bénéficier de leurs actions (…) Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus-Christ (Evangelii Gaudium, 120).
Débattre Pourquoi ? Devant l’importance des « décrochages » dans l’Église depuis un siècle (les chiffres cités en introduction de la page « accueil » en disent l’ampleur), resterons-nous passifs ? Une vision simpliste consiste à en attribuer la responsabilité aux seuls prêtres, comme si nous, les laïcs, n’y étions pour rien. Le temps est venu de nous demander si nous ne devrions pas davantage répondre au dernier appel du Christ, celui de témoigner de notre foi et de la joie qu’elle nous apporte, partout et toujours. Cette mission a deux dimensions : la première formelle sous forme de catéchèse, conférences, participation aux cercles de réflexion, mouvements caritatifs etc. La seconde « nous revient à tous comme tâche quotidienne. Il s’agit de porter l’Évangile aux personnes avec lesquelles chacun a à faire, tant les plus proches que celles qui sont inconnues. C’est la prédication informelle que l’on peut réaliser dans une conversation » (Evangelii Gaudium 127) en famille, au travail, avec nos relations, lors des rencontres fortuites, etc. Elle devrait associer le témoignage de notre vie et la parole pour expliquer. Mais notre vie étant loin d’être exemplaire et notre parole souvent maladroite, ni l’un ni l’autre ne sont faciles et nos tentatives peuvent facilement devenir contre-productives. C’est pourquoi les échanges d’expériences sont si utiles.
Débattre Comment ? Avec douceur et respect (I P, 15), avec force lorsque notre avis repose sur une expérience précise, avec humilité devant les avis des autres – issus d’autres expériences – et toujours dans la prière et l’unité de l’Église. La complémentarité de chacun de nous fut merveilleusement illustrée par Saint-Paul lorsqu’il compara au corps humain, la diversité des charismes au sein de l’Église. Les catégories de son temps ne sont plus celles d’aujourd’hui, mais le principe reste le même : « S’il y a diversité de dons, il n’y a qu’un même Esprit ; s’il y a diversité de ministères, il n’y a qu’un même Seigneur ; s’il y a diversité d’opérations, il n’y a qu’un même Dieu qui opère tout en tous. La manifestation de l’Esprit est donnée à chacun en vue de l’utilité commune… Vous êtes tous le corps du Christ, et chacun de vous pour sa part, est un de ses membres. » (I Cor, 12, 4-5 et 27). Tel est l’état d’esprit qui doit présider à un débat au sein de l’Église.
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Vous trouverez sur cette page…
Homélies incompréhensibles – Que faire ?
Comment inciter mes proches à compléter leur formation chrétienne ?
Sensibiliser mes proches à la nécessité de contribuer davantage à l’évangélisation
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Homélies incompréhensibles – Comment donner envie à un prêtre de s’améliorer ?
Nous sommes heureux d’avoir encore un prêtre dans notre paroisse pour les messes et les sacrements. Mais, son fort accent étranger rend ses homélies incompréhensibles. Au point que certains ne viennent plus à la messe. Nous n’osons pas lui en parler par respect et crainte de le démoraliser, mais aussi parce que nous ne savons que lui proposer. Que faire ?
Chaque fois qu’une homélie n’est pas audible, c’est l’Eglise qui ne l’est pas.
La première étape est de l’informer. Pas facile mais c’est un devoir, d’abord parce que le respect chrétien consiste non à se taire mais à l’aider dans sa mission, ensuite pour faire revenir ceux qui ne participent plus aux messes. La seconde étape consistera à l’aider en s’adaptant à ses difficultés et en utilisant le principe de la pédagogie active : le fidèle doit mettre le prédicateur en situation de découvrir par lui-même ce qu’il doit changer.
Pour l’informer, il vous faut choisir, voire provoquer, l’occasion favorable : un moment calme, sans témoins, avec douceur et respect. Faites-lui ressentir que si vous l’informez, c’est parce que vous le tenez en haute estime et que vous êtes certain de son désir de vous instruire. Pour qu’il n’ait pas l’impression d’une motivation, disons pour simplifier, de supériorité ethnique, dites-lui que le problème se pose aussi avec des prêtres éduqués en France. La lecture préalable des chapitres I,4 (physiologie de la transmission) et II, 2 (bien prononcer pour être compris de tous) du livre « Homélies et Prises de Parole Publiques » vous fournira des arguments constructifs.
Un prêtre sur deux accepte d’être aidé. Alors que lui proposer ? Voici mes deux dernières expériences.
- Un prêtre d’origine française lisait scolairement ses papiers, sans intonation ni regard. Au bout de trois mois, je lui ai dit qu’on l’aimait beaucoup mais que ses paroissiens dormaient durant ses homélies et que personne n’osait le lui dire pour ne pas l’attrister ; puis je lui ai proposé mon aide et laissé mon numéro de téléphone en indiquant : « si vous ne m’avez pas appelé dans deux jours, je comprendrai que vous n’y tenez pas ». Il parut choqué et furieux (Il m’avoua ultérieurement avoir eu envie de me jeter dehors). Mais le lendemain, je reçus un SMS, me demandant quand on commencerait. La suite fut simple : 1° enregistrement à l’aide d’un appareil photo/caméra d’une homélie prononcée sans témoins ; 2° transfert de l’enregistrement sur mon ordinateur ; 3° visionnage de son homélie durant lequel je lui demandai de se mettre à notre place : « trouvez-vous qu’on vous entende bien tout le temps ? », « vous estimez-vous captivant ou ennuyeux ? », puis « comprend-on bien le message que vous voulez transmettre ? », et « donnez-vous l’impression d’un professeur ou d’un témoin qui transmet sa passion ? », etc. C’est lui-même qui faisait son propre diagnostic… En trois séances, il avait totalement changé.
- Le second exemple concerna un prêtre d’origine étrangère : je lui dis que, lorsqu’on le comprenait, on trouvait ses homélies très enrichissantes, mais que la plupart du temps on n’en distinguait pas le sens. Je lui proposai de tester sa prochaine homélie devant deux paroissiens qui lèveraient la main dès qu’ils ne comprendraient pas et que nous lui ferions répéter les phrases jusqu’au moment où nous les comprendrions facilement. Il accepta. La première séance fut très éprouvante car nous devions nous reporter à son papier pour comprendre ! En trois séances, certaines prononciations furent améliorées et pour le reste, il apprit à parler lentement et surtout à « syllabiser », c’est-à-dire à respecter les 6 degrés de silence de tout discours public. Nous passâmes ensuite à l’enregistrement avec un appareil photo/caméra comme dans le cas précédent. Au terme de trois séances, on arrivait à comprendre 90 % de son homélie…
Trois conseils : Prier avant de faire le premier pas. Durant les séances, ne jamais aborder le fond. Après les séances, se comporter comme si vous ne l’aviez jamais aidé, si ce n’est, de temps en temps, pour discrètement le remercier de la qualité de ses homélies et lui dire combien vous êtes heureux de le comprendre.
Pour en savoir plus, consultez le site : « clespourhoméliesheureuses.org ». Si besoin, pensez au SOH ou contactez-moi.
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Transmettre-ma-foi – Inciter à se former
J’aimerais convaincre mes enfants et (grands) petits-enfants, ainsi que mes amis, de consacrer un peu plus de temps à leur formation chrétienne. Plusieurs s’éloignent de la foi parce qu’ils n’en ont qu’une connaissance sommaire, souvent à base de contre-vérités. Comment m’y prendre ? Quels arguments développer ?
Chaque chemin de foi est une aventure spécifique : beaucoup ont acquis une foi solide par contagion émotionnelle au contact d’autres chrétiens. Mais la vie nous bousculant périodiquement, ce cheminement du cœur est fragile s’il ne s’accompagne d’une démarche concomitante de l’intelligence. Une formation doctrinale enfantine suffisait en des temps où l’éducation était réduite. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. J’ai mesuré l’ampleur du gouffre, lorsqu’un Cercle de Réflexion d’universitaires catholiques ayant choisi comme thème de l’année, « en quoi est-ce que je crois, et pourquoi ? », certains de ses membres se déclarèrent incapables d’apporter leur témoignage.
Pascal se désolait déjà que ses contemporains préférassent jouer à la balle plutôt que réfléchir aux questions de vie et de mort. C’est encore moins facile dans une société addicte aux divertissements de tous genres. Pour inciter à consacrer un peu de son temps à approfondit ses connaissances du Christ et de son enseignement, à la lumière de l’Eglise, le chemin que j’ai expérimenté comporte quatre étapes : un constat, les trois raisons de se former, sur quoi devrait porter cette formation et comment se former. A chaque étape, il faut susciter une réaction : « Qu’en penses-tu ? », écouter patiemment et n’avancer qu’en cas d’accord.
I – Susciter « un constat » par trois questions
Avons-nous l’impression d’en savoir suffisamment sur le Christ, sa vie, son enseignement, l’Eglise, son Histoire, les bases de la doctrine chrétienne et ce qui la différentie des doctrines concurrentes ? Aux questions de nos enfants, arrivons-nous à apporter des réponses claires et donnant une image chaleureuse et vivante de notre foi ? Lorsque la foi et l’Eglise sont critiquées, ridiculisées, calomniées, trouvons-nous des réponses sereines et éclairantes ? Au contact d’autres convictions ou devant les contre-témoignages de frères ou de pasteurs, notre foi n’est-elle jamais ébranlée ? (dans ces questions, le sujet est « nous » et non pas « vous »)
Deuxième série de questions – Quel temps avons-nous consacré à l’acquisition de nos connaissances générales et professionnelles ? Beaucoup. Généralement, il y eu trois périodes : la formation initiale (élémentaire), la formation professionnelle (théorie et pratique) et la formation continue (approfondissement et adaptation). Or, concernant notre formation doctrinale, n’en sommes-nous pas restés au catéchisme de notre enfance, une formation basique (parfois biaisée durant les décennies où on conseillait d’éviter de parler du Christ pour ne pas semer d’anticorps) ? Avons-nous cherché à la compléter et comment ? De rares lectures, quelques homélies nourrissantes, des bribes glanées ici ou là. Finalement très peu si on compare le temps consacré à notre formation chrétienne à celui dédié à l’acquisition des connaissances et comportements nécessaires à nos métiers. Une différence colossale !
Pour arriver à la question finale… Comment s’étonner alors, que notre foi soit si fragile, que souvent nous nous sentions incapables de répondre aux critiques et sarcasmes envers la foi et l’Église, et que nous offrions à nos amis agnostiques ou anticléricaux, une image d’obscurantisme ? La baisse d’audience actuelle de l’Église dans l’opinion publique n’est-elle pas due en partie à ce que nous n’avons pas fait l’effort de sortir de notre scandaleuse ignorance ?
Il est inutile de poursuivre tant que votre interlocuteur ne vous a pas rejoint dans ce constat.
II – Trois raisons d’approfondir tout au long de notre vie
1° Mieux connaître celui que nous prions et que nous suivons – Est-ce un dieu reconstruit au gré de notre imagination ou celui du Credo ? Et comment progresser sinon en explorant, plutôt que les histoires saintes ou des manuels bien intentionnés, les témoignages écrits par ceux qui ont vécu avec Lui ou leurs élèves ? Lorsqu’on voyage, si on discute un peu, on découvre vite que les manifestations de piété qui de l’extérieur se ressemblent souvent, recouvrent des réalités intérieures aux différences inimaginables. Lorsqu’on demande à des voltairiens, des musulmans, des hindous, des juifs, des bouddhistes, des animistes, « qui ils prient », les réponses sont totalement différentes ! Certains ne prient personne au point de ne pas comprendre la question, tant leurs « logiciels » sont éloignés du notre. Ces différences qui conditionnent les comportements et jusqu’au sens des mots, nous questionnent sur notre propre foi fondée sur la Bible et la Tradition de l’Église.
2° Consolider notre référentiel – Pour cela, il nous faut nous mettre à l’écoute du Christ : 1° à l’écoute de sa personne à travers sa vie et ses dires pour l’aimer, non comme une vague idée, mais tel qu’il s’est révélé ; 2° à l’écoute de son enseignement pour mieux le mettre en pratique ; 3° à l’écoute de l’Église afin que deux mille ans de réflexion nous guident dans le dédale des interprétations possibles ; 4° à l’écoute des autres convictions pour mieux les comprendre et approfondir par différence les racines de notre foi.
3° Nous préparer à la demande du Christ d’enseigner toutes les nations et d’en faire ses disciples – Avec un savoir aussi faible, comment répondre à ceux qui nous entourent alors que le leur est souvent plus riche que le nôtre ? Certes, la foi repose davantage sur un élan du cœur que sur des explications. Mais le niveau d’éducation de nos contemporains est très largement supérieur à celui des Galiléens auxquels s’adressait le Christ. Aujourd’hui, peut-on guider nos enfants et petits-enfants, répondre aux questions de nos amis, intervenir dans les débats sociétaux lorsqu’ils touchent à l’essentiel, sans une meilleure connaissance/compréhension des fondamentaux de notre foi ? N’est-ce pas une cause de la chute de l’influence chrétienne en France ? Pour ce savoir, ni le catéchisme, ni les homélies ne suffisent. Et les prières, pèlerinages, etc. ne peuvent rien. Il faut en plus que nous y consacrions du temps et du travail, individuellement, en famille ou en petits groupes.
III – Approfondir quoi ?
1° Les fondements de notre foi d’abord – Suivant le Christ par la lecture quotidienne d’un court passage de la Bible, comme nos papes nous y incitent, nous découvrons qu’Il pensait suivant un mode de réflexion judaïque et que beaucoup de ses propos étaient adaptés aux conceptions juives de ses interlocuteurs. Sans une certaine connaissance de la pensée judaïque de l’époque, il est parfois difficile de pénétrer l’intention des évangélistes (par exemple, pourquoi ont-ils sélectionné un fait parmi bien d’autres – Jn 21, 25). Origène et Saint Jérôme, pour ne citer que ceux-là, discutèrent fréquemment avec des rabbins. On apprend beaucoup en lisant des livres comme « Le Monde où vivait Jésus », « Pour lire l’Ancien Testament », « Pour lire le Nouveau Testament » (édités au Cerf). Un esprit pressé peut avoir l’impression de tout connaître. La réalité est que, chaque fois qu’on déguste un passage, on découvre de nouvelles richesses.
2° Les convictions différentes ensuite – Nous ne pouvons plus ignorer les grands courants de convictions de nos prochains, ni faire l’économie de mesurer nos différences, tant pour conforter notre foi que pour pouvoir dialoguer et répondre aux questions de nos relations et même de nos enfants, en partant de là où ils en sont. Jésus aurait-il pu affronter les courants intellectuels de son temps, pharisien, sadducéen, essénien, s’ils ne les avaient connus ? Et que ferait-il aujourd’hui ? N’irait-il pas s’asseoir à la table d’un franc-maçon athée ou d’un banquier focalisé sur le profit, ne se mettrait-il pas à la portée d’un jeune attiré par le Bouddhisme, l’Islam ou les spiritualités naturelles, ne lutterai-il pas avec les prophètes de l’hédonisme, du matérialisme et du relativisme ? Nous avons à le suivre aussi dans cette proximité.
IV – Comment progresser ?

L’objectif est d’allier foi et raison. Donc de creuser les trois questions les plus importantes de nos vies :
- En quoi est-ce que je crois et pourquoi ?
- En quoi est-ce que je ne crois pas et pourquoi ?
- Est-ce que je vis conformément à ce que je crois et pourquoi ?
Ensuite à chacun de trouver son « comment » personnel, en accord avec ses goûts et les possibilités locales. Il n’y a pas de menu type. Mais dans le contexte occidental actuel, à coté des formations passives, il faut privilégier l’autoformation : lectures livresques ou en ligne, ateliers interactifs, cercles de réflexion catholiques… Ces moyens sont plus attractifs, entrainent une meilleure compréhension et davantage de mémorisation, influent davantage sur les comportements et deviennent vite une bonne habitude. Ces moyens impliquent de la part des prêtres d’apprendre à se comporter davantage en accompagnants/guides qu’en professeurs.
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Il y a bien d’autres schémas. L’important reste de « faire découvrir » en posant des questions prudentes plutôt que de tenter d’imposer, ce qui échoue le plus souvent. Et de se rappeler qu’on ne peut transmettre que ce que l’on vit.