Cette page est consacrée à des débats avec des prêtres. Les sujets sont tous issus d’échanges divers. La page suivante réunit des débats avec des laïcs.
Débattre de quoi ? Pourquoi ? Comment ?
Débattre de Quoi ? Certainement pas de Doctrine (ce n’est pas l’objet de ce site), mais de « la manière de transmettre » car « il y a des normes ou des préceptes ecclésiaux qui peuvent avoir été très efficaces à d’autres époques, mais qui n’ont plus la même force éducative comme canaux de vie » (Evangelii Gaudium 43). On peut en dire autant des différences de régions et de milieux culturels. Il y a toujours eu un long chemin entre la doctrine et la mise en pratique. Et ce chemin n’est pas le même en plaine, en montagne ou sur la mer.
Débattre Pourquoi? D’abord parce que, si l’objectif est toujours de toucher autant les intelligences que les cœurs, les manières de faire doivent être adaptées à des personnes différentes situées dans des milieux différents et en des temps différents. Ensuite parce tous les transmetteurs n’ont pas les mêmes charismes, les mêmes compétences, les mêmes capacités de transmission. Il n’y a donc pas une manière unique de transmettre, mais une multitude de manières dont chacune peut produire des fruits à un endroit, laisser indifférent en un autre et avoir un effet répulsif ailleurs. De plus chacune peut se révéler efficace avec un transmetteur et ne pas l’être avec un autre. Pour de multiples raisons, la transmission est un chemin d’humilité. On arrive ainsi à des milliers d’expériences et chacune peut être enrichissante pour tous.
Débattre Comment ? Avec douceur et respect (I P, 15), avec ténacité lorsque l’opinion repose sur une expérience précise, avec humilité devant l’expérience des autres, dans la prière et l’amour de l’Église… Le premier débat au sein de l’Eglise primitive a conduit à l’instauration du diaconat. Le second, qui fut par assimilation appelé « concile de Jérusalem » et opposa Pierre et Paul durant plusieurs années, aurait pu se terminer par son éclatement. L’Esprit Saint veillait. Pierre et Paul se sont réconciliés, se partageant les secteurs d’évangélisation. On sent bien qu’ils avaient gardé, l’un et l’autre, leurs opinions personnelles, mais la volonté d’unité prévalut. Une icône du couvent de Sainte-Catherine, au Sinaï, a merveilleusement imagé l’état d’esprit qui doit présider à un débat en Église.

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Vous trouverez sur cette page…
Comment sont reçues mes homélies ?
Comment stimuler mes paroissiens à devenir évangélisateurs ?
Quelles formations suggérer à mes paroissiens ?
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Homélies – Les miennes sont-elles comprises, intéressantes et convaincantes ?
« Après mes homélies, j’ai rarement des retours constructifs. Lorsque je pose la question, je reçois habituellement des manifestations de sympathie ou des avis sur le réglage du micro. J’ai conscience que pour progresser, j’aurais besoin de commentaires plus précis. »
Il ne suffit pas qu’une homélie soit nourrissante, comme un texte écrit. A l’oral, trois qualités supplémentaires sont nécessaires : elle doit être entendue, intéresser les intelligences, toucher les cœurs. Pour cela il faut des mots audibles, une structure adaptée à l’oral, une expression orale ajustée à l’auditoire.
Pour savoir où vous en êtes, vous pouvez utiliser, théoriquement, 3 grands types de procédés (chacun a ses variantes) :
– Interroger une (des) personne(s) de confiance. Avantage : la facilité. Inconvénient : Que ce soit un confrère, un ami ou un groupe loyal comme le conseil pastoral, l’objectivité risque fort d’être altérée par la réserve, l’estime, la crainte de blesser et de décourager.
– Se soumettre à un « peer-review » institutionnel, ou évaluation « par les pairs ». Confiée par l’institution à des personnes choisies qui suivent une grille consensuelle, elle est proposée à tous les membres (ils ont la possibilité de refuser). Son résultat est transmis à chaque intéressé avec des conseils qui lui permettront de focaliser ses efforts. Simultanément, il est « anonymisé » pour son exploitation par l’institution. Avantages : chaque prédicateur est informé sur les points à améliorer, et l’institution, sur l’audibilité et l’attractivité des homélies dans tel diocèse. Inconvénient : aucun (puis qu’elle s’adresse à des volontaires). Mais, alors que ce procédé est très utilisé par la plupart des entreprises ayant à communiquer avec un public, tout se passe comme si le clergé avait peur des évaluations. A notre connaissance, aucun diocèse francophone n’en a organisé.
– Organiser l’évaluation soi-même. Il suffit de distribuer un questionnaire à remplir à la sortie d’une messe, après avoir expliqué que l’objectif est « de vous aider à être plus nourrissant ». Avantage : l’objectivité se joint à la bienveillance et renforce l’estime pour le prêtre qui OSE et demande à ses paroissiens d’OSER. Inconvénient : Pour démarrer, il faut du courage et être prêt à consacrer ensuite un peu de temps et d’énergie à ce perfectionnement.
N’hésitez pas à copier la fiche suivante (FT 3)
Aider mon prêtre – Questionnaire
L’homélie est une tâche difficile. En remplissant ce questionnaire, vous aiderez votre prêtre à mieux toucher les intelligences et les cœurs. Il vous en remercie. N’ayez pas peur de le blesser. Vos notes lui permettront de savoir comment il transmet « ce qu’il a dans le cœur » et de progresser.
Notez chaque question de 1 à 5. Par exemple pour la première question, la note 1 signifie que vous avez mal entendu ; 3, partiellement et 5, tout, très bien.
Avez-vous…. | NOTE |
… bien entendu et bien compris tous les mots ? | |
… compris toutes les idées ? | |
… été vraiment intéressé (e) (ce n’était pas du « souvent entendu ») ? | |
… à un moment, pensé à autre chose ? ou vous êtes-vous ennuyé(e) ? | |
… retenu le message principal ? Pourriez-vous le formuler ? | |
… été convaincu(e) par le développement (vous avez perçu un véritable approfondissement) ? | |
… ressenti la conviction personnelle de votre prédicateur ? | |
… perçu qu’il vous regardait ? | |
… ressenti qu’il vous parlait du fond de son cœur ? | |
… pensé que cela intéresserait les personnes « en recherche »? | |
… décidé, au terme de cette homélie, de faire cette semaine, un effort sur un point précis ? ou de changer quelque chose dans votre vie ? | |
… retenu quelque chose que vous pourrez transmettre ? | |
… décidé d’approfondir personnellement votre foi ? | |
… envie de revenir l’écouter la semaine suivante ? | |
Avez-vous une suggestion concernant les homélies ?
Merci de bien indiquer : Jour………/Mois ……………………. /Heure ……….
A déposer dans l’urne spéciale au plus tard dimanche prochain.
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Inciter mes paroissiens à devenir évangélisateurs
Mes paroissiens, incités à participer à l’évangélisation par le Saint Père, me demandent souvent ce qu’ils peuvent faire concrètement. J’ai organisé des journées de témoignage de rue avec un succès mitigé. Que puis-je faire de plus ? En pratique que leur proposer ?
Votre question se pose à beucoup de vos confrères. Les incitations récentes, qui s’inscrivent dans la lignée du dernier commandement du Christ, confirment que l’annonce du « salut » incombe à tous les chrétiens, les laïcs autant que les clercs. Lors de Vatican II, Lumen Gentium a indiqué clairement que les laïcs doivent évangéliser leurs milieux par leurs témoignages de vie mais aussi par la parole. Depuis nos papes n’ont cessé d’en rappeler la nécessité, du Décret Ad Gentes de Paul VI (1965), à Evangelii Gaudium(2013) et Fratelli Tutti (2020) de François. Mais le flou entretenu par l’Église sur « la manière de faire » a démobilisé les fidèles et laissé dans l’embarras ceux qui auraient dû les y préparer.
Vous pouvez vous raccrocher à de rares mouvements structurés comme les cellules paroissiales d’évangélisation de Don Pigi et le congrès annuel Mission, ou à des expériences comme celle menée par l’Emmanuel. Mais une démarche paroissiale ne peut réussir que si elle suit les règles communes à toute mobilisation humaine : les gens ne s’investissent dans un projet que lorsqu’ils ont acquis la conviction de sa nécessité et se sont mis d’accord sur la manière de le réaliser. On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif : Il faut susciter l’envie !
Dans mon expérience, cela implique de la part du promoteur du projet qu’il obtienne de la part de ceux qu’il souhaite mobiliser, cinq accords successifs sur : 1° l’importance de ce que peut changer ce projet ; 2° l’inanité des arguments opposables ; 3° la définition du projet, de ses destinataires et de l’état d’esprit dans lequel il doit être conduit ; 4° l’inventaire puis le choix des manières de faire ; 5° enfin, l’organisation des moyens pour s’y préparer et maintenir un haut degré d’investissement de chacun.
I – Les conséquences de l’insuffisance d’investissement des laïcs dans « l’annonce »
L’Église se meurt d’insuffisance de témoignage : les décrochages se multiplient ; sa doctrine est perçue comme obscurantiste et ceux qui la suivent, comme irréfléchis ; les références chrétiennes ne sont plus connues (en témoignent les réponses affligeantes de parents aux questions de leurs enfants dans des musées) ; l’Eglise n’a plus de poids dans les discussions sociétales (un exemple en est son absence d’influence dans les réformes sociétales, comme les lois de bioéthique), etc.
Dans ce plaidoyer, il ne vous suffit pas de « dire » : il vous faut amener vos paroissiens à partager intimement le même constat, ce qui implique de leur laisser le temps d’exprimer leurs propres expériences et éventuellement de vous contredire.
II – Le caractère fallacieux des prétextes à l’inaction
Une dizaine de raisons sont souvent invoquées. Pour obtenir une adhésion sans réserve, il faut les démonter une à une.
1° « La mission est l’affaire des prêtres et non celle des laïcs ». Les Papes ne cessent d’affirmer le contraire. Paul VI : L’ordre donné aux Douze « Allez, proclamez la Bonne Nouvelle » vaut aussi, quoique d’une façon différente, pour tous les chrétiens […] C’est la Parole entendue qui conduit à croire. Jean-Paul II : Les fidèles laïcs, précisément parce qu’ils sont membres de l’Église, ont la vocation et la mission d’annoncer l’Évangile : à cette activité ils sont habilités et engagés par les sacrements de l’initiation chrétienne et par les dons du Saint Esprit. Benoît XVI : Sa Parole fait de nous non seulement les destinataires de la Révélation divine, mais aussi ses messagers. François : Chaque baptisé, quels que soient sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation. Il serait inadéquat de penser à un schéma d’évangélisation utilisé pour des acteurs qualifiés, où le reste du peuple fidèle serait seulement destiné à bénéficier de leurs actions (…) Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus-Christ [1].
2° « Le témoignage des prêtres passe par la parole tandis que celui des laïcs passe par l’exemple ». Lorsque le christianisme était majoritaire, on insistait sur le fait que l’évangélisation qui incombe aux laïcs passait en premier par l’exemple de leur vie, les actions caritatives et la christianisation des réglementations et des structures sociales. Le champ d’action était limité aux familles et aux milieux relationnels et professionnels. Actuellement le témoignage de vie donné par beaucoup de catholiques a souvent été un contre-témoignage et notre capacité d’orienter les réglementations et structures est largement dépassée par celle des francs-maçons. Vatican II a clairement balayé cette « spécialisation » : Les fidèles incorporés à l’Église par le baptême […] sont tenus de professer devant les hommes, la foi que par l’Église, ils ont reçue de Dieu. Par le sacrement de confirmation, leur lien avec l’Église est rendu plus parfait, ils sont enrichis d’une force spéciale de l’Esprit Saint et obligés ainsi plus strictement tout à la fois à répandre et défendre la foi par la parole et par l’action, en vrais témoins du Christ [2]. L’action est témoignage de vie ; la parole explique. Pas l’une sans l’autre…
3° « La foi est affaire personnelle et l’évangélisation est un prosélytisme agressif intolérable ». Cette raison résulte d’un malentendu : il ne s’agit pas d’imposer sa foi, comme cela a pu se faire en des temps lointains, mais de partager notre certitude en l’amour de notre créateur dans le respect total des autres convictions. Personnellement, les seuls prosélytismes agressifs que j’ai connus furent ceux des communistes dans ma jeunesse, des journalistes-hédonistes par la suite, et de musulmans radicaux. Comment imposerait-on l’amour ?
4° « Ma formation est insuffisante ». La nécessité de nous former a été abondamment développée dans la section précédente. Remarquons simplement qu’il n’y a pas de formation plus durable que celle qu’on acquiert dans le but de transmettre à un autre. Mais en attendant ? Notre ignorance doit-elle nous paralyser ? Jésus a répondu avec la parabole des talents : sans insister sur ce hasard sémantique, elle signifie que chacun doit faire selon ses moyens. François ajoute : que personne ne renonce à son engagement pour l’évangélisation car s’il a vraiment fait l’expérience de l’amour de Dieu qui le sauve, il n’a pas besoin de beaucoup de temps de préparation pour aller l’annoncer, il ne peut pas attendre d’avoir reçu beaucoup de leçons, de longues instructions [3]. Toutefois, cela ne doit pas être une raison pour ne pas investir dans la formation.
5° « Qui suis-je, moi pêcheur, pour donner des leçons aux autres ? » Jésus le sait, qui a confié son Église à un homme à qui il avait dit : Arrière Satan… tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes [4], et qui ensuite l’avait trahi trois fois. Soyons simples : Il ne nous est pas demandé d’être immaculés, mais plutôt que nous soyons toujours en croissance, que nous vivions le désir profond de progresser sur la voie de l’Évangile, et que nous ne baissions pas les bras [5]. Avec Saint Paul, nous sommes conscients que nous portons ce trésor dans des vases fragiles [6] et devons le montrer par notre attitude.
6° « Je n’ai pas l’occasion. » Ce n’est vrai que si notre esprit n’est pas orienté vers cette transmission. Lorsqu’il l’est, les occasions sont nombreuses : en famille (les questions d’un enfant, les hésitations d’un adolescent devant les grands choix, les épreuves de toutes vies, l’émerveillement devant la grandiose beauté d’un paysage), avec les amis (une critique contre l’Église ou la foi, le pillage de la planète, une maladie), dans les milieux professionnels (un choix difficile ou simplement l’actualité du jour). Les paroles viennent spontanément… Maintenant que l’Église veut vivre un profond renouveau missionnaire, il y a une forme de prédication qui nous revient à tous comme tâche quotidienne. Il s’agit de porter l’Évangile aux personnes avec lesquelles chacun a à faire, tant les plus proches que celles qui sont inconnues. C’est la prédication informelle que l’on peut réaliser dans une conversation, et c’est aussi celle que fait un missionnaire quand il visite une maison. Être disciple c’est avoir la disposition permanente de porter l’amour de Jésus aux autres, et cela se fait spontanément en tout lieu : dans la rue, sur la place, au travail, en chemin [7]. « Spontanément » ! Cette spontanéité implique une « disposition d’esprit » permanente.
7° « Nous avons l’obligation de respecter la règle républicaine de laïcité dans les lieux publics ». Certains en ont déduit qu’il est interdit de parler de sa foi dans les milieux professionnels, cad., pour moi, en milieu universitaire ou à l’hôpital. C’est oublier la diversité des situations : je n’ai jamais claironné ma foi lors de l’enseignement ou d’une réunion de service, mais je n’ai pas hésité à m’y référer lors de conversations particulières ou lorsque l’Église ou le Christ étaient publiquement attaqués. Les mêmes interlocuteurs qui se seraient offusqués d’une déclaration publique, sont les premiers à vous interroger, généralement dans l’intimité mais parfois en groupe, sur les motivations profondes de vos choix et de vos actes. Je l’ai vérifié auprès de tous : étudiants, infirmières, médecins, universitaires et malades de toutes convictions. Beaucoup m’ont remercié de ma sincérité, même si je ne les avais pas tous convaincus.
8° « Le risque d’être mal reçu. » Jésus lui-même en a fait l’expérience : après son discours au lendemain du succès de la multiplication des pains [8]. Pour un laïc vaut-il mieux être considéré comme une personne de conviction, ou comme un pleutre, mal assuré, voire honteux de ses choix ? Le plus souvent, il suffit de s’arrêter sur une pirouette du genre : « chacun ses convictions, désormais tu connais la mienne et ce n’est pas cela qui va nous séparer ». C’est une des multiples raisons pour lesquelles il faut regarder dans les yeux celui à qui on parle et toujours rester léger…
9° « Le plus souvent, cela ne sert à rien ! » Pas si simple. Je ne suis pas chargée de vous convaincre mais de vous le dire, aurait répondu sainte Bernadette, pauvresse, à son curé incrédule. Même lorsque la réaction première parait négative, qui sait ce qui se passe au fond des cœurs ? Combien de fois, longtemps après, n’avons-nous pas eu la surprise d’entendre : « Vous savez, il y a plusieurs années, vous m’avez dit telle chose. Je ne l’ai jamais oubliée et ça m’a aidé » ? La seule certitude, c’est qu’en ne disant rien, on est certain de ne rien transmettre.
10° « C’est inutile car tous les hommes généreux sont sauvés. » De fait, nous dit saint Paul : quand des païens, sans avoir de loi, font naturellement ce qu’ordonne la loi [..], ils montrent que l’œuvre voulue par la loi est inscrite dans leur cœur […], c’est ce qui paraîtra au jour où [..] Dieu jugera par Jésus-Christ le comportement caché des hommes [9]. Est-ce une raison pour ne pas partager avec eux notre joie et ces guides que sont les enseignements de Jésus-Christ ? Ecoutons Benoit XVI : Même si les non-chrétiens peuvent se sauver au moyen de la grâce que Dieu donne par des voies connues de lui, l’Église ne peut pas ne pas tenir compte du fait qu’en ce monde, il leur manque un très grand bien : connaître le vrai visage de Dieu et l’amitié avec Jésus Christ, Dieu avec nous […] L’esprit chrétien a été toujours animé par la passion de conduire toute l’humanité au Christ dans l’Église. En effet, l’incorporation de nouveaux membres à l’Église n’est pas l’extension d’un groupe de puissance, mais l’entrée dans le réseau d’amitié avec le Christ, qui relie ciel et terre, continents et époques différentes […] L’annonce et le témoignage de l’Évangile sont même le premier service que les chrétiens doivent rendre à chaque personne et au genre humain tout entier [10].
Ce n’est pas perdre son temps que discuter de toutes ces raisons avec les paroissiens : c’est la manière la plus efficace pour que la nécessité de leur participation devienne pour eux, « certitude ».
III – Les bases du projet : « Annoncer quoi, à qui, dans quel esprit » ?
• Annoncer Quoi ? On ne peut annoncer que ce qu’on vit, la richesse de l’enseignement du Christ à la lumière de la tradition et la joie que notre foi nous apporte.
• A qui ? Cela implique de les amener à dresser la liste des destinataires dans leur diversité, depuis les plus proches jusqu’aux étrangers : ados, étudiants, jeunes professionnels, familles, célibataires, veufs, retraités, immigrés… Mais aussi ceux qui ont quitté l’Eglise, déçus par elle, ceux qui ne la connaissent que par les satires…
• Dans quel état d’esprit ? L’évangélisation n’a de sens que si elle transmet ce que nous vivons, que nous sommes heureux de ce que nous vivons et que nous avons envie de faire partager notre joie. Alors on peut répondre à l’injonction de Saint Pierre, Soyez toujours prêts à justifier votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte. Mais que ce soit avec douceur et respect [11]. Pour cela, il faut apprendre à rejoindre l’autre là où il en est, à l’exemple du Christ, notamment sur le chemin d’Emmaüs : « de quoi discutiez-vous ? ». Pour être entendu, il faut d’abord écouter. Écouter non pour juger et contredire, mais pour rejoindre le positif de l’interlocuteur, nous enrichir de ce positif, le leur dire et nous ajuster à ses interrogations et ses manques. Frères, pas professeurs…
IV – Les moyens concrets : « Annoncer/transmettre – comment » ?
Ce n’est qu’après avoir franchi les étapes précédentes qu’on peut commencer à réfléchir ensemble aux manières proposables aux différents destinataires ainsi qu’à celles qui seraient contreproductives. En pratique, on doit s’arrêter sur deux types de modalités complémentaires qui devront être discutées en fonction des différents destinataires préalablement définis :
• Les annonces formelles. Les besoins sont énormes et tous vos laïcs peuvent y contribuer, chacun selon ses compétences : le catéchisme, la contribution au bulletin paroissial ou à la curation des sites ecclésiaux, les préparations aux mariages, l’accompagnement des célibataires, des époux, des parents, des veufs, des homosexuels, des chômeurs, des jeunes actifs, des retraités, l’accompagnement des funérailles, les rencontres avec les autres religions en proximité, les évangélisations de rues ou de plages, etc… mais aussi les exposés/débats sur la foi et les courants de pensée, ainsi que l’accompagnement spirituel pour ceux qui en ont reçu la formation et l’autorisation. Pour chacun de ces destinataires, qu’est-ce qui serait porteur, qu’est-ce qui est réalisable et qui en a la capacité ?
• La « prédication informelle ». Définie ci-dessus, elle concerne tous les baptisés. Elle nécessite essentiellement un état d’esprit qu’on peut définir ainsi : 1° une grande empathie pour ceux à qui on s’adresse ; 2° une vigilance à l’affut de toutes les bonnes occasions ; 3° une attention rigoureuse aux interlocuteurs, niveau et réactions (la plupart d’entre nous détestant les intrusions dans nos vies et les conseils non sollicités, il est important de regarder notre interlocuteur dans les yeux, pour se retirer à la moindre marque d’impatience et poursuivre tant qu’il manifeste un intérêt) ; 4° un entretien qui commence par écouter à la fois pour s’enrichir de ce que l’interlocuteur peut nous apporter et pour nous adapter à ses interrogations ; 5° une démarche qui cherche à faire découvrir plutôt qu’à apporter une réponse bien huilée (On peut s’aider de la lecture des chapitres « Pourquoi Jésus posait tant de questions ? » et « Les étapes du positionnement » du livre Homélies et Prises de parole Publiques) ; 6° enfin un ton général souriant et aimable (légèreté, tact et si possible humour) , excluant les attitudes d’autorité ou d’insistance.
Ces modalités sont complémentaires et il faut inviter chacun à s’engager en confrontant les besoins à ses propres compétences.
V – La logistique de préparation et de soutien
Toute action doit s’appuyer sur une structure minimale et une logistique de soutien. Evitant aussi bien un encadrement démobilisant qu’une insuffisance d’accompagnement qui trop souvent conduisent à l’échec et à la démotivation, on ne peut se passer d’un minimum d’organisation d’abord pour offrir une formation minimale avec un entrainement aux situations variées, puis pour relancer ceux qui sont découragés et profiter des expériencs réussies.
Cette structure ne sera efficiente que si les acteurs sont invités à déterminer ensemble :
- Les destinataires prioritaires,
- La constitution des équipes, en respectant les affinités mais aussi en associant les compétences,
- La formation initiale, combinant les partages d’expérience et les jeux de rôle (par exemple, simulation d’un entretien répondant aux questions d’un ado contestataire),
- Les réunions de bilan et de recentrage, pour éviter les erreurs et les démobilisations. Bien souvent au cours de ces réunions apparaîtra la nécessité de compléter la formation doctrinale des membres.
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Il est nécessaire de passer d’une pastorale de simple conservation à une pastorale vraiment missionnaire [12], nous dit François. Lancer un tel projet, nécessite plus qu’une lettre de mission ou une déclaration unilatérale sur les décisions du seul curé. Il ne prendra corps et ne durera que si celui qui le lance a quatre convictions :
- former des collaborateurs démultiplie l’efficacité : on obtient davantage en faisant faire qu’en voulant tout faire par soi-même,
- on ne mobilise pas des hommes en leur disant ce qu’ils doivent faire mais en le leur faisant découvrir par des questions appropriées,
- un projet d’envergure est d’autant plus mobilisateur qu’il a été conçu et décidé ensemble,
- le temps « perdu » à obtenir le consensus est largement rattrapé par les réalisations qui en résultent.
[1] Paul VI, Evangelii Nuntiandi,13 et 42 ; Jean Paul II, Christifideles Laiici, 33 ; Benoît XVI, Verbum Domini, 91 ; François, Evangelii Gaudium, 120
[2] Lumen Gentiun, 11.
[3] François, Evangelii Gaudium, 120.
[4] Marc 8, 31.
[5] François, Evangelii Gaudium, 151.
[6] II Corinthiens 4,7. Voir aussi 12,10.
[7] François, Evangelii Gaudium, 27.
[8] Jean 6,66.
[9] Romains, 2,14-16.
[10] Note doctrinale sur certains aspects de l’évangélisation, 7, 12 et 14 (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, 2007).
[11] Première lettre de Pierre, 3,15.
[12] Evangelii Gaudium, 15.
[13] Evangelii Gaudium, 127-129.
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Homélies – Quelles formations suggérer à mes paroissiens ?
« Je suis prêtre dans un bourg à distance de tout lieu de formation. Quelles formations puis-je proposer à mes fidèles en dehors de celles que j’organise avec mes faibles moyens et de la lecture de livres sélectionnés ? «
Le Collège des Bernardins propose plusieurs ressources accessibles à tous les niveaux :
- les MOOC, (Massive, Open, On-line, Curse) sont des formations accessibles par internet. Divers thèmes sont accessibles sur le site des Bernardins : Sacrements (par Mgr Mathieu Rougé), La Porte de la Foi (par Sophie Biggeli), Jésus (Père Guillaume de Menthières), Catéchistes (Emmanuelle Bergerault). Ces formations interactives sur inscription gratuite associent un enseignement vidéo, des textes à lire, et des questions à travailler personnellement. Elles sont suivies par des dizaines de milliers de personnes. A travailler à son rythme mais nécessitant d’y consacrer un minimum de deux heures hebdomadaires
- Les cours enregistrés. Ils sont nombreux. Exemple « Comment lire la Bible ? les Évangiles ? » (Père Jean Pierre Fabre). Passionnants mais non-interactifs.
Vous trouverez bien d’autres formations on-line sur internet. Voir la section : Sites Utiles